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Une fois dehors, le poète plein d’espoir se hâta de déchiffrer le précieux grimoire.

Il y trouva la recette d’une préparation culinaire très complexe, dont le fumet seul devait plonger Schahnidjar dans un sommeil profond et durable.

En outre, une formule magique était nettement tracée au bas de la feuille.

Prononcée trois fois à haute voix, cette suite incohérente de syllabes donnerait au plat chargé d’aliments somnifères une résonance cristalline en rapport intime avec l’assoupissement du gênant espionneur.

Aussi longtemps que la sonnerie resterait forte et rapide, les deux amants pourraient s’abandonner librement à leur ivresse, sans craindre le dormeur profondément engourdi.

Un decrescendo progressif, annonçant de loin l’instant du réveil, viendrait les avertir à temps du danger encouru.

Ghîriz prépara pour le soir même le mets en question, qu’il plaça sur un réchaud d’argent au milieu de la table copieusement garnie pour son maître.

À la vue d’une spécialité nouvelle accommodée de façon inconnue, Schahnidjar charmé prit le plat à deux mains pour en flairer voluptueusement les étranges émanations.

Mais, terrassé à l’instant même par une pesante