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Le mot satyam qu’Eugène Burnouf rend par cette expression Être existant signifie, le plus souvent, le vrai, le réel. Plus loin, nous verrons l’éminent indianiste traduire de la même façon le terme sat, participe présent de ce même verbe être d’où vient satyam. Il doit cependant y avoir quelque nuance entre ces deux expressions, le sanscrit, non plus qu’aucune autre langue, n’ayant de synonymes parfaits, aussi, aurions-nous aimé voir Eugène Burnouf, avec sa compétence supérieure, indiquer dans sa traduction cette nuance, si toutefois elle existe.

Pour le mot para qui revient très souvent dans ce poème, le traducteur le rend toujours par l’absolu. Il est douteux cependant que les écrivains hindous aient jamais donné à para le sens exact et rigoureux que nous donnons au terme philosophique Absolu, par lequel nous entendons l’Être qui existe indépendamment de toute condition, l’Être nécessaire, infini, parfait[1].

Sans doute, comme nous le disions tout à l’heure, ils admettent volontiers un être que rien ne limite, ne détermine et c’est dans ce sens qu’ils disent que Dieu n’a point de qualités ; c’est là incontestablement un grand pas de fait vers la conception de l’Absolu, telle que nous la possédons ; mais nous ne croyons pas qu’ils aient de ce terme une idée vraiment adéquate ; l’auteur du Bhâgavata, et c’est de lui particulièrement qu’il s’agit, ne parle jamais de Dieu comme d’un Être nécessaire, qu’on ne peut supposer n’existant pas. De sorte que si Burnouf ne nous y autorisait par son exemple, nous n’eussions pas osé rendre l’expression satyam param par l’Être Absolu, mais par l’Être Suprême, celui qui est au-dessus de tous les autres, le Très-Haut.

Nous profitons de l’occasion pour signaler la difficulté, parfois extrême, qu’éprouve le traducteur de rendre par

  1. Cf. Rabier, Leçons de philosophie, 456 et seq.