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Pendant le second acte, un de mes adversaires ayant crié à ceux qui applaudissaient : « Hardi la claque », Robert Desnos lui répondit : « Nous sommes la claque et vous êtes la joue. » Le mot eut du succès et fut cité par divers journaux. (Remarque amusante, en intervertissant l’l et le j on obtient : « Nous sommes la claque et vous êtes jaloux », phrase qui n’eût sans doute pas manqué d’une certaine justesse.)

Cette fois encore la critique fut déchaînée contre moi, et, comme toujours, on parla de folie ou de mystification. On appela la pièce « l’Araignée sous le front » et des journalistes interviewèrent mes acteurs pour savoir si j’écrivais mes pièces sérieusement ou si mon but était de me moquer du monde. J’appris qu’à la fin d’une des représentations un groupe d’étudiants avait, pendant quelque temps, guetté ma sortie pour me huer.

Cependant le nombre de mes partisans grossissait sans cesse.

Après l’Étoile au Front j’écrivis la Poussière de Soleils que je fis représenter à la Porte-Saint-Martin.

On s’arracha les places pour la première et l’affluence y fut énorme. Beaucoup ne venaient que pour avoir le plaisir d’assister à une séance houleuse et d’y jouer leur rôle. Cependant la représentation fut calme. Une fois pourtant, à un début de manifestation hostile, un de mes partisans cria : « Silence les idiots ! »

La pièce ne fut pas comprise ; et à quelques exceptions près les articles de presse furent détestables.

Une série de représentations donnée un peu plus tard à la Renaissance ne fut guère heureuse.