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je demandai à Pierre Frondaie de tirer de Locus Solus une pièce que je fis jouer avec grand luxe au théâtre Antoine.

À la première il y eut un tumulte indescriptible. Ce fut une bataille, car cette fois, si presque toute la salle était contre moi, j’avais du moins un groupe de très chauds partisans.

L’affaire fit beaucoup de bruit et je fus connu du jour au lendemain.

Mais, loin d’être un succès, ce fut un scandale. Car, à part le petit groupe favorable dont j’ai parlé, tout le monde était ameuté contre moi.

Suivant l’expression d’un journaliste, ce fut « une levée de stylographes ». De nouveau on me traita de fou, de mystificateur ; toute la critique poussa des cris d’indignation.

Mais enfin un résultat était désormais acquis : le titre d’un de mes ouvrages était célèbre. Dans toutes les revues théâtrales, cette année-là, il y eut une scène sur Locus Solus, et deux revues s’en inspirèrent pour leur titre : Cocus Solus (qui, plus heureuse que ma pièce, sa marraine, dépassa la centième) et Blocus Solus ou les bâtons dans les Ruhrs.

Pensant que l’incompréhension du public venait peut-être du fait que je ne lui avais jusqu’alors présenté au théâtre que des adaptations de livres, je résolus de composer un ouvrage spécialement pour la scène.

J’écrivis l’Étoile au Front que je fis représenter au Vaudeville. Nouveau tumulte, nouvelle bataille, mais où mes partisans étaient cette fois beaucoup plus nombreux. Au troisième acte l’effervescence devint telle qu’il fallut, au milieu d’une scène, baisser le rideau pour ne le relever qu’au bout d’un certain temps.