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exposer les cadavres) ; d’où le cadavre à châtelaine dans l’épisode du zouave.

1o Crachat (flaque de salive) à delta (formé par le crachat comme par un fleuve) ; 2o crachat (décoration) à delta (lettre grecque) ; d’où l’ordre du Delta.

Mais je ne puis tout citer ; je m’en tiendrai donc là en ce qui concerne la création basée sur l’accouplement de deux mots pris dans deux sens différents.

Le procédé évolua et je fus conduit à prendre une phrase quelconque, dont je tirais des images en la disloquant, un peu comme s’il se fût agi d’en extraire des dessins de rébus.

Je prends un exemple, celui du conte Le Poète et la Moresque (page 121 et page 253). Là je me suis servi de la chanson « J’ai du bon tabac ». Le premier vers : « J’ai du bon tabac dans ma tabatière » m’a donné : « Jade tube onde aubade en mat (objet mat) a basse tierce. » On reconnaîtra dans cette dernière phrase tous les éléments du début du conte.

La suite : « Tu n’en auras pas » m’a donné : « Dune en or a pas (a des pas). » D’où le poète baisant des traces de pas sur une dune. — « J’en ai du frais et du tout râpé » m’a donné : « Jaune aide orfraie édite oracle paie. » D’où l’épisode chez le Chinois. — « Mais ce n’est pas pour ton fichu nez » m’a donné : « Mets sonne et bafoue, don riche humé. » D’où le mets à sonnerie que hume Schahnidjar.

Je continuai le conte avec la chanson « Au clair de la lune ».

1o « Au clair de la lune mon ami Pierrot » ; 2o « Eau glaire (cascade d’une couleur de glaire) de là l’anémone à midi négro. » D’où l’épisode dans l’éden éclairé par le soleil de midi.