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à son égal, décelé le mystère des coïncidences. Lorsqu’on relève devant lui le prodige de sa création, il explique avec simplicité : « Je travaille sans documents. Pour composer il faut que je fasse table rase. Du papier blanc, c’est tout. J’ai accompli le tour du monde il y a deux ans, je n’en ai rien tiré. » La vie littéraire des vingt-cinq dernières années lui échappe d’ailleurs entièrement. Cependant les nouvelles écoles en font un de leurs prophètes. Il a créé un monde. L’univers roussellien, il est vrai, ne connaît ni la douleur ni le bonheur ; il vit cependant d’un rythme (extra-littéraire) pour ainsi dire cosmique ; il est une récréation du cosmos par une façon de divinité ne distinguant que le mouvement, à qui les sentiments humains sont tellement peu qu’elle n’y prête pas une attention particulière, et qui se tient au milieu de tout, solitaire et douloureuse. Car Raymond Roussel est désespéré du dédain que le grand public manifeste pour son œuvre. « On dit que je suis fou ! » Mots désenchantés qui reviennent souvent dans sa conversation. En quittant la maison où j’ai revu le poète extraordinaire, je remarque ce soir la limousine qui l’emportera tout à l’heure, cependant que j’irai à pied dans ce Paris qui disparaît devant l’immense création d’un esprit. Et je songe encore à ce qu’il donnerait pour posséder la notoriété d’un feuilletoniste. Certaines divinités ne sont-elles pas ainsi — qui voudraient être hommes ? C’est Dieu — et ça ne sait pas. »

Élie RICHARD
(Raymond Roussel, ou Le génie ne fait pas le bonheur.)


« Silence, les idiots ! »

(Apostrophe d’un partisan de Raymond Roussel à un groupe de ses adversaires pendant la première représentation de la Poussière de Soleils.)


« Vous vous croyez malins, vous êtes idiots. »

(Apostrophe d’un partisan de Raymond Roussel à un groupe de perturbateurs pendant une représentation de l’Étoile au Front.)