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progrès. Après avoir employé la première partie de mon discours à prouver que ces choses avaient toujours marché ensemble, j’ai destiné la seconde à montrer qu’en effet l’une tenait à l’autre. À qui donc puis-je imaginer que M. Gautier veut répondre ici ?

Il me paraît surtout très-scandalisé de la manière dont j’ai parlé de l’éducation des collèges. Il m’apprend qu’on y enseigne aux jeunes gens je ne sais combien de belles choses qui peuvent être d’une bonne ressource pour leur amusement quand ils seront grands, mais dont j’avoue que je ne vois point le rapport avec les devoirs des citoyens, dont il faut commencer par les instruire. « Nous nous enquérons volontiers : Sçait-il du grec ou du latin ? escrit-il en vers ou en prose ? Mais s’il est devenu meilleur ou plus advisé, c’estoit le principal ; et c’est ce qui demeure derrière. Criez d’un passant à nostre peuple, Ô le sçavant homme ! et d’un aultre, Ô le bon homme ! il ne fauldra pas de tourner ses yeulx et son respect vers le premier. Il y fauldroit un tiers crieur, Ô les lourdes testes#1 ! »

J’ai dit que la nature a voulu nous préserver de la science comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant, et que la peine que nous trouvons à nous instruire n’est pas le moindre de ses bienfaits. M. Gautier aimerait autant que j’eusse dit : Peuples, sachez donc une fois que la nature ne veut pas que vous vous nourris-[1]

  1. Montaigne, liv. i, chap. 24.