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tier, que, s’il me fallait relever tous les endroits où nous ne sommes pas de même avis, je serais obligé de le combattre, même dans les choses que j’aurais dites comme lui, et cela me donnerait un air contrariant que je voudrais bien pouvoir éviter. Par exemple, en parlant de la politesse, il fait entendre très-clairement que, pour devenir homme de bien, il est bon de commencer par être hypocrite, et que la fausseté est un chemin sûr pour arriver à la vertu. Il dit encore que les vices ornés par la politesse ne sont pas contagieux, comme ils le seraient s’ils se présentaient de front avec rusticité ; que l’art de pénétrer les hommes a fait le même progrès que celui de se déguiser ; qu’on est convaincu qu’il ne faut pas compter sur eux, à moins qu’on ne leur plaise ou qu’on ne leur soit utile ; qu’on sait évaluer les offres spécieuses de la politesse ; c’est-à-dire, sans doute, que quand deux hommes se font des compliments, et que l’un dit à l’autre dans le fond de son cœur : « Je vous traite comme un sot, et je me moque de vous ; » l’autre lui répond dans le fond du sien : « Je sais que vous mentez impudemment ; mais je vous le rends de mon mieux. » Si j’avais voulu employer la plus amère ironie, j’en aurais pu dire à peu près autant.

4° On voit, à chaque page de la réfutation, que l’auteur n’entend point ou ne veut point entendre l’ouvrage qu’il réfute ; ce qui lui est assurément fort commode, parce que, répondant sans cesse à sa pensée, et jamais à la mienne, il a la plus belle occasion du monde de dire tout ce qu’il lui plaît. D’un