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maux qui n’existent pas. Pourquoi faut-il que ceux-ci portent encore par leur insuffisance le caractère des remèdes ordinaires ? Tant d’établissements faits à l’avantage des savants n’en sont que plus capables d’en imposer sur les objets des sciences, et de tourner les esprits à leur culture. Il semble, aux précautions qu’on prend, qu’on ait trop de laboureurs et qu’on craigne de manquer de philosophes. Je ne veux point hasarder ici une comparaison de l’agriculture et de la philosophie ; on ne la supporterait pas. Je demanderai seulement : Qu’est-ce que la philosophie ? que contiennent les écrits des philosophes les plus connus ? qu’elles sont les leçons de ces amis de la sagesse ? À les entendre, ne les prendrait-on pas pour une troupe de charlatans criant chacun de son côté sur une place publique : Venez à moi, c’est moi seul qui ne trompe point ? L’un prétend qu’il n’y a point de corps, et que tout est en représentation ; l’autre, qu’il n’y a d’autre substance que la matière, ni d’autre dieu que le monde. Celui-ci avance qu’il n’y a ni vertus, ni vices, et que le bien et le mal moral sont des chimères ; celui-là, que les hommes sont des loups et peuvent se dévorer en sûreté de conscience. Ô grands philosophes ! que ne réservez-vous pour vos amis et pour vos enfants ces leçons profitables ? vous en recevriez bientôt le prix, et nous ne craindrions pas de trouver dans les nôtres quelqu’un de vos sectateurs.

Voilà donc les hommes merveilleux à qui l’estime de leurs contemporains a été prodiguée pen-