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l’autre dans leurs propres foyers. Les lettres naissantes n’avaient point porté encore la corruption dans les cœurs de ses habitants ; mais le progrès des arts, la dissolution des mœurs, et le joug du Macédonien, se suivirent de près ; et la Grèce, toujours savante, toujours voluptueuse, et toujours esclave, n’éprouva plus dans ses révolutions que des changements de maîtres. Toute l’éloquence de Démosthène ne put jamais ranimer un corps que le luxe et les arts avaient énervé.

C’est au temps des Ennius et des Térence que Rome, fondée par un pâtre et illustrée par des laboureurs, commence à dégénérer. Mais après les Ovide, les Catulle, les Martial, et cette foule d’auteurs obscènes dont les noms seuls alarment la pudeur, Rome, jadis le temple de la vertu, devient le théâtre du crime, l’opprobre des nations, et le jouet des barbares. Cette capitale du monde tombe enfin sous le joug qu’elle avait imposé à tant de peuples, et le jour de sa chute fut la veille de celui où l’on donna à l’un de ses citoyens le titre d’arbitre du bon goût[1].

Que dirai-je de cette métropole de l’empire d’Orient, qui par sa position semblait devoir l’être du monde entier, de cet asile des sciences et des arts proscrits du reste de l’Europe, plus peut-être par sagesse que par barbarie ? Tout ce que la débauche

  1. Pétrone, qui, dans les premiers temps du règne de Néron, posséda toute sa faveur, et dont le goût faisait loi dans toutes les fêtes et les amusements de sa cour, reçut pour cela le surnom d’Arbiter elegantiarum, que la postérité lui a justement conservé.