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tumultueux d’hommes de tout âge et de tout état qui semblent empressés, depuis le lever de l’aurore jusqu’au coucher du soleil, à s’obliger réciproquement ; c’est que cet étranger, dis-je, devinerait exactement de nos mœurs le contraire de ce qu’elles sont.

Où il n’y a nul effet, il n’y a point de cause à chercher : mais ici l’effet est certain, la dépravation réelle, et nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection. Dira-t-on que c’est un malheur particulier à notre âge ? Non, messieurs ; les maux causés par notre vaine curiosité sont aussi vieux que le monde. L’élévation et l’abaissement journaliers des eaux de l’Océan n’ont pas été plus régulièrement assujettis au cours de l’astre qui nous éclaire durant la nuit, que le sort des mœurs et de la probité au progrès des sciences et des arts. On a vu la vertu s’enfuir à mesure que leur lumière s’élevoit sur notre horizon, et le même phénomène s’est observé dans tous les temps et dans tous les lieux.

Voyez l’Égypte, cette première école de l’univers, ce climat si fertile sous un ciel d’airain, cette contrée célèbre d’où Sésostris partit autrefois pour conquérir le monde. Elle devient la mère de la philosophie et des beaux-arts, et, bientôt après, la conquête de Cambyse, puis celle des Grecs, des Romains, des Arabes, et enfin des Turcs.

Voyez la Grèce, jadis peuplée de héros qui vainquirent deux fois l’Asie, l’une devant Troie, et