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souvent droit sur ses jambes, il était capable de lever et porter des fardeaux assez lourds. Lorsqu’il voulait boire, il prenait d’une main le couvercle du pot, et tenait le fond, de l’autre. Ensuite il s’essuyait gracieusement les lèvres. Il se couchait pour dormir, la tête sur un coussin, se couvrant avec tant d’adresse qu’on l’aurait pris pour un homme au lit. Les Nègres font d’étranges récits de cet animal. Ils assurent non seulement qu’il force les femmes et les filles, mais qu’il ose attaquer des hommes armés. En un mot il y a beaucoup d’apparence que c’est le satyre des Anciens. Merolla ne parle peut-être que de ces animaux lorsqu’il raconte que les Nègres prennent quelquefois dans leurs chasses des hommes et des femmes sauvages.

Il est encore parlé de ces espèces d’animaux anthropoformes dans le troisième tome de la même Histoire des voyages sous le nom de Beggos et de Mandrills ; mais pour nous en tenir aux relations précédentes on trouve dans la description de ces prétendus monstres des conformités frappantes avec l’espèce humaine, et des différences moindres que celles qu’on pourrait assigner d’homme à homme. On ne voit point dans ces passages les raisons sur lesquelles les auteurs se fondent pour refuser aux animaux en question le nom d’hommes sauvages, mais il est aisé de conjecturer que c’est à cause de leur stupidité, et aussi parce qu’ils ne parlaient pas ; raisons faibles pour ceux qui savent que quoique l’organe de la parole soit naturel à l’homme, la parole elle-même ne lui est pourtant pas naturelle, et qui connaissent jusqu’à quel point sa perfectibilité peut avoir élevé l’homme civil au-dessus de son état originel. Le petit nombre de lignes que contiennent ces descriptions nous peut faire juger combien ces animaux ont été mal observés et avec quels préjugés ils ont été vus. Par exemple, ils sont qualifiés de monstres, et cependant on convient qu’ils engendrent. Dans un endroit Battel dit que les pongos tuent les Nègres qui traversent les forêts, dans un autre Purchass ajoute qu’ils ne leur font aucun mal, même quand ils les surprennent ; du moins lorsque les Nègres ne s’attachent pas à les regarder. Les pongos s’assemblent autour des feux allumés par les Nègres, quand ceux-ci se retirent, et se retirent à leur