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celui de maître et d’esclave, qui est le dernier degré de l’inégalité, et le terme auquel aboutissent enfin tous les autres, jusqu’à ce que de nouvelles révolutions dissolvent tout à fait le gouvernement, ou le rapprochent de l’institution légitime.

Pour comprendre la nécessité de ce progrès il faut moins considérer les motifs de l’établissement du corps politique que la forme qu’il prend dans son exécution et les inconvénients qu’il entraîne après lui : car les vices qui rendent nécessaires les institutions sociales sont les mêmes qui en rendent l’abus inévitable ; et comme, excepté la seule Sparte, où la loi veillait principalement à l’éducation des enfants et où Lycurgue établit des mœurs qui le dispensaient presque d’y ajouter des lois, les lois en général moins fortes que les passions contiennent les hommes sans les changer ; il serait aisé de prouver que tout gouvernement qui, sans se corrompre ni s’altérer, marcherait toujours exactement selon la fin de son institution, aurait été institué sans nécessité, et qu’un pays où personne n’éluderait les lois et n’abuserait de la magistrature, n’aurait besoin ni de magistrats ni de lois.

Les distinctions politiques amènent nécessairement les distinctions civiles. L’inégalité, croissant entre le peuple et ses chefs, se fait bientôt sentir parmi les particuliers et s’y modifie en mille manières selon les passions, les talents et les occurrences. Le magistrat ne saurait usurper un pouvoir illégitime sans se faire des créatures auxquelles il