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Pline à Trajan, c’est afin qu’il nous préserve d’avoir un maître.

Les politiques font sur l’amour de la liberté les mêmes sophismes que les philosophes ont faits sur l’état de nature ; par les choses qu’ils voient ils jugent des choses très différentes qu’ils n’ont pas vues et ils attribuent aux hommes un penchant naturel à la servitude par la patience avec laquelle ceux qu’ils ont sous les yeux supportent la leur, sans songer qu’il en est de la liberté comme de l’innocence et de la vertu, dont on ne sent le prix qu’autant qu’on en jouit soi-même et dont le goût se perd sitôt qu’on les a perdues. Je connais les délices de ton pays, disait Brasidas à un satrape qui comparait la vie de Sparte à celle de Persépolis, mais tu ne peux connaître les plaisirs du mien.

Comme un coursier indompté hérisse ses crins, frappe la terre du pied et se débat impétueusement à la seule approche du mors, tandis qu’un cheval dressé souffre patiemment la verge et l’éperon, l’homme barbare ne plie point sa tête au joug que l’homme civilisé porte sans murmure, et il préfère la plus orageuse liberté à un assujettissement