Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée

tous ces maux sont le premier effet de la propriété et le cortège inséparable de l’inégalité naissante.

Avant qu’on eût inventé les signes représentatifs des richesses, elles ne pouvaient guère consister qu’en terres et en bestiaux, les seuls biens réels que les hommes puissent posséder. Or quand les héritages se furent accrus en nombre et en étendue au point de couvrir le sol entier et de se toucher tous, les uns ne purent plus s’agrandir qu’aux dépens des autres, et les surnuméraires que la faiblesse ou l’indolence avaient empêchés d’en acquérir à leur tour, devenus pauvres sans avoir rien perdu, parce que, tout changeant autour d’eux, eux seuls n’avaient point changé, furent obligés de recevoir ou de ravir leur subsistance de la main des riches, et de là commencèrent à naître, selon les divers caractères des uns et des autres, la domination et la servitude, ou la violence et les rapines. Les riches de leur côté connurent à peine le plaisir de dominer, qu’ils dédaignèrent bientôt tous les autres, et se servant de leurs anciens esclaves pour en soumettre de nouveaux, ils ne songèrent qu’à subjuguer et asservir leurs voisins ; semblables à ces loups affamés qui ayant une fois goûté de la chair humaine rebutent toute autre nourriture et ne veulent plus que dévorer des hommes.

C’est ainsi que les plus puissants ou les plus misérables, se faisant de leur force ou de leurs besoins une sorte de droit au bien d’autrui, équivalent, selon eux, à celui de propriété, l’égalité