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sur l’origine des signes institués, montrant qu’il a supposé ce que je mets en question, savoir une sorte de société déjà établie entre les inventeurs du langage, je crois en renvoyant à ses réflexions devoir y joindre les miennes pour exposer les mêmes difficultés dans le jour qui convient à mon sujet. La première qui se présente est d’imaginer comment elles purent devenir nécessaires ; car les hommes n’ayant nulle correspondance entre eux, ni aucun besoin d’en avoir, on ne conçoit ni la nécessité de cette invention, ni sa possibilité, si elle ne fut pas indispensable. Je dirais bien, comme beaucoup d’autres, que les langues sont nées dans le commerce domestique des pères, des mères et des enfants : mais outre que cela ne résoudrait point les objections, ce serait commettre la faute de ceux qui raisonnant sur l’état de nature, y transportent les idées prises dans la société, voient toujours la famille rassemblée dans une même habitation, et ses membres gardant entre eux une union aussi intime et aussi permanente que parmi nous, où tant d’intérêts communs les réunissent ; au lieu que dans cet état primitif, n’ayant ni maison, ni cabanes, ni propriété d’aucune espèce, chacun se logeait au hasard, et souvent pour une seule nuit ; les mâles, et les femelles s’unissaient fortuitement selon la rencontre, l’occasion, et le désir, sans que la parole fût un interprète fort nécessaire des choses qu’ils avaient à se dire : ils se quittaient avec la même facilité (Note 12) ; la mère allaitait d’abord ses enfants pour son propre besoin ; puis l’habitude