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Mais j’aurais choisi celle où les particuliers, se contentant de donner la sanction aux lois, et de décider en corps et sur le rapport des chefs les plus importantes affaires publiques, établiraient des tribunaux respectés, en distingueraient avec soin les divers départements, éliraient d’année en année les plus capables et les plus intègres de leurs concitoyens pour administrer la justice et gouverner l’état, et où la vertu des magistrats portant ainsi témoignage de la sagesse du peuple, les uns et les autres s’honoreraient mutuellement. De sorte que si jamais de funestes malentendus venaient à troubler la concorde publique, ces temps mêmes d’aveuglement et d’erreurs fussent marqués par des témoignages de modération, d’estime réciproque, et d’un commun respect pour les lois ; présages et garants d’une réconciliation sincère et perpétuelle.

Tels sont, magnifiques, très-honorés, et souverains seigneurs, les avantages que j’aurais recherchés dans la patrie que je me serais choisie. Que si la Providence y avait ajouté de plus une situation charmante, un climat tempéré, un pays fertile, et l’aspect le plus délicieux qui soit sous le ciel, je n’aurais désiré, pour combler mon bonheur, que de jouir de tous ces biens dans le sein de cette heureuse patrie, vivant paisiblement dans une douce société avec mes concitoyens, exerçant envers eux, et à leur exemple, l’humanité, l’amitié et toutes les vertus, et laissant après moi l’honorable mémoire d’un homme de bien et d’un honnête et vertueux patriote.

Si, moins heureux ou trop tard sage, je m’étais vu réduit à finir en d’autres climats une infirme et languissante carrière, regrettant inutilement le repos et la paix dont