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plus générale et plus importante, sur l’influence que la culture des sciences doit avoir en toute occasion sur les mœurs des peuples. C’est celle-ci, dont la première n’est qu’une conséquence, que je me proposai d’examiner avec soin.

Je commençai par les faits, et je montrai que les mœurs ont dégénéré chez tous les peuples du monde, à mesure que le goût de l’étude et des lettres s’est étendu parmi eux.

Ce n’était pas assez ; car sans pouvoir nier que ces choses eussent toujours marché ensemble, on pouvait nier que l’une eut amené l’autre : je m’appliquai donc à montrer cette liaison nécessaire. Je fis voir que la source de nos erreurs sur ce point vient de ce que nous confondons nos vaines et trompeuses connaissances avec la souveraine Intelligence qui voit d’un coup d’œil la vérité de toutes choses. La science, prise d’une manière abstraite, mérite toute notre admiration. La folle science des hommes n’est digne que de risée et de mépris.

Le goût des lettres annonce toujours chez un peuple un commencement de corruption qu’il accélère très-promptement. Car ce goût ne peut naître

    horreur. Quand on joua pour la première fois la comédie du Méchant, je me souviens qu’on ne trouvait pas que le rôle principal répondît au titre. Cléon ne parut qu’un homme ordinaire : il était disait-on, comme tout le monde. Ce scélérat abominable, dont le caractère si bien exposé aurait dû faire frémir sur eux-mêmes tous ceux qui ont le malheur de lui ressembler, parut un caractère tout-à-fait manqué ; et ses noirceurs passèrent pour des gentillesses, parce que tel, qui se croyait un fort honnête homme, s’y reconnaissait trait pour trait.