Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des crimes de ses contemporains, pour n’avoir pas voulu être un scélérat avec César et les autres brigands de son temps.

On vient de voir comment nos philosophes parlent de Caton. On va voir comment en parlaient les anciens philosophes. « Ecce spectaculum dignum ad quod respiciat intentus operi suo Deus. Ecce par Deo dignum, vir fortis cum malâ fortunâ compositus. Non video, inquam, quid habeat in terris Jupiter pulchrius, si convertere animum velit, quàm ut spectet Catonem, jam partibus non semel fractis, nihilominùs inter ruinas publicas erectum[1]. »

Voici ce qu’on nous dit ailleurs des premiers Romains : « J’admire les Brutus, les Décius, les Lucrèce, les Virginius, les Scévola… » C’est quelque chose dans le siècle où nous sommes. « Mais j’admirerai encore plus un état puissant et bien gouverné. » Un état puissant et bien gouverné ! Et moi aussi, vraiment. « Où les citoyens ne seront point condamnés à des vertus si cruelles. » J’entends ; il est plus commode de vivre dans une constitution de choses où chacun soit dispensé d’être homme de bien. Mais si les citoyens de cet état qu’on admire se trouvaient réduits par quelque malheur ou à renoncer à la vertu, ou à pratiquer ces vertus cruelles, et qu’ils eussent la force de faire leur devoir, serait-ce donc une raison de les admirer moins ?

Prenons l’exemple qui révolte le plus notre siècle,

  1. Senec, de Providentia, cap. 2.