Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raient-ils point pour que cette fatale Sparte n’eut jamais existé ! et eux qui prétendent que les grandes actions ne sont bonnes qu’à être célébrées, à quel prix ne voudraient-ils point que les siennes ne l’eussent jamais été ! C’est une terrible chose qu’au milieu de cette fameuse Grèce qui ne devait, dit-on, sa vertu qu’à la philosophie, l’état où la vertu a été la plus pure et a duré le plus long-temps, ait été précisément celui où il n’y avait point de philosophes ! Les mœurs de Sparte ont toujours été proposées en exemple à toute la Grèce ; toute la Grèce était corrompue, et il y avait encore de la vertu à Sparte ; toute la Grèce était esclave, Sparte seule était encore libre : cela est désolant. Mais enfin la fière Sparte perdit ses mœurs et sa liberté comme les avait perdues la savante Athènes ; Sparte a fini. Que puis-je répondre à cela ?

Encore deux observations sur Sparte, et je passe à autre chose. Voici la première : « Après avoir été plusieurs fois sur le point de vaincre, Athènes fut vaincue, il est vrai ; et il est surprenant qu’elle ne l’eût pas été plus tôt, puisque l’Attique était un pays tout ouvert, et qui ne pouvait se défendre que par la supériorité de succès. » Athènes eût dû vaincre, par toutes sortes de raisons. Elle était plus grande et beaucoup plus peuplée que Lacédémone ; elle avait de grands revenus, et plusieurs peuples étaient ses tributaires : Sparte n’avait rien de tout cela. Athènes, surtout par sa position, avait un avantage dont Sparte était privée, qui la mit en état de désoler plusieurs fois le Pé-