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quoi pouvaient consister ces vices, ces crimes, qu’on leur reproche avec tant d’emphase. On m’assure qu’on est depuis long-temps désabusé de la chimère de l’âge d’or. Que n’ajoutait-on encore qu’il y a long-temps qu’on est désabusé de la chimère de la vertu ?

J’ai dit que les premiers Grecs furent vertueux avant que la science les eût corrompus ; et je ne veux pas me rétracter sur ce point, quoiqu’en y regardant de plus près je ne sois pas sans défiance sur la solidité des vertus d’un peuple si babillard, ni sur la justice des éloges qu’il aimait tant à se prodiguer, et que je ne vois confirmés par aucun autre témoignage. Que m’oppose-t-on à cela ? Que les premiers Grecs dont j’ai loué la vertu étaient éclairés et savants, puisque des philosophes formèrent leurs mœurs et leur donnèrent des lois. Mais, avec cette manière de raisonner, qui m’empêchera d’en dire autant de toutes les autres nations ? Les Perses n’ont-ils pas eu leurs mages, les Assyriens leurs chaldéens, les Indes leurs gymnosophistes, les Celtes leurs druides ? Ochus n’at-il pas brillé chez les Phéniciens, Atlas chez les Libyens, Zoroastre chez les Perses, Zalmoxis chez les Thraces ? Et plusieurs même n’ont-ils pas prétendu que la philosophie était née chez les Barbares ? C’étaient donc des savants, à ce compte, que tous ces peuples-là ? « À côté des Miltiade et des Thémistocle, on trouvait, me dit-on, les Aristide et les Socrate. » À côté, si l’on veut ; car que m’importe ? Cependant Miltiade, Aristide, Thé-