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caractères élevés qui portent jusque dans le crime je ne sais quoi de fier et de généreux qui laisse voir au dedans encore quelque étincelle de ce feu céleste fait pour animer les belles âmes. Mais l’âme vile et rampante de l’hypocrite est semblable à un cadavre où l’on ne trouve plus ni feu, ni chaleur, ni ressource à la vie. J’en appelle à l’expérience. On a vu de grands scélérats rentrer en eux-mêmes, achever saintement leur carrière et mourir en prédestinés ; mais ce que personne n’a jamais vu, c’est un hypocrite devenir homme de bien : on aurait pu raisonnablement tenter la conversion de Cartouche, jamais un homme sage n’eût entrepris celle de Cromwell.

J’ai attribué au rétablissement des lettres et des arts l’élégance et la politesse qui règnent dans nos manières. L’auteur de la réponse me le dispute, et j’en suis étonné ; car, puisqu’il fait tant de cas de la politesse, et qu’il fait tant de cas des sciences, je n’aperçois pas l’avantage qui lui reviendra d’ôter à l’une de ces choses l’honneur d’avoir produit l’autre. Mais examinons ses preuves : elles se réduisent à ceci : « On ne voit point que les savants soient plus polis que les autres hommes ; au contraire, ils le sont souvent beaucoup moins : donc notre politesse n’est pas l’ouvrage des sciences. »

Je remarquerai d’abord qu’il s’agit moins ici de sciences que de littérature, de beaux-arts et d’ouvrages de goût ; et nos beaux esprits, aussi peu savants qu’on voudra, mais si polis, si répandus, si brillants, si petits-maîtres, se reconnaîtront diffi-