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foi, le plus frappant était la sainteté de leur vie : leurs disciples suivirent cet exemple, et le succès fut prodigieux. Les prêtres païens, alarmés, firent entendre aux princes que l’état était perdu, parce-que les offrandes diminuaient. Les persécutions s’élevèrent, et les persécuteurs ne firent qu’accélérer les progrès de cette religion qu’ils voulaient étouffer. Tous les chrétiens couraient au martyre, tous les peuples couraient au baptême ; l’histoire de ces premiers temps est un prodige continuel.

Cependant les prêtres des idoles, non contents de persécuter les chrétiens, se mirent à les calomnier. Les philosophes, qui ne trouvaient pas leur compte dans une religion qui prêche l’humilité, se joignirent à leurs prêtres. Les simples se faisaient chrétiens, il est vrai ; mais les savants se moquaient d’eux, et l’on sait avec quel mépris saint Paul lui-même fut reçu des Athéniens. Les railleries et les injures pleuvaient de toutes parts sur la nouvelle secte. Il fallut prendre la plume pour se défendre. Saint Justin martyr[1] écrivit le premier l’apologie

  1. Ces premiers écrivains, qui scellaient de leur sang le témoignage de leur plume, seraient aujourd’hui des auteurs bien scandaleux, car ils soutenaient précisément le même sentiment que moi. Saint Justin, dans son entretien avec Triphon, passe en revue les diverses sectes de philosophie dont il avait autrefois essayé, et les rend si ridicules qu’on croirait lire un dialogue de Lucien : aussi voit-on, dans l’apologie de Tertullien, combien les premiers chrétiens se tenaient offensés d’être pris pour des philosophes.

    Ce serait en effet un détail bien flétrissant pour la philosophie, que l’exposition des maximes pernicieuses et des dogmes impies de ses diverses sectes. Les épicuriens niaient toute providence, les académiciens doutaient de l’existence de la Divinité, et les stoïciens de l’immortalité de l’âme. Les sectes moins célèbres n’avaient pas de