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pluie et le soleil tour-à-tour fertiliser son champ, admire, loue, et bénit la main dont il reçoit ces grâces, sans se mêler de la manière dont elles lui parviennent. Il ne cherche point à justifier son ignorance ou ses vices par son incrédulité. Il ne censure point les œuvres de Dieu, et ne s’attaque point à son maître pour faire briller sa suffisance. Jamais le mot impie d’Alphonse X ne tombera dans l’esprit d’un homme vulgaire : c’est à une bouche savante que ce blasphème était réservé. Tandis que la savante Grèce était pleine d’athées, Élien remarquait[1] que jamais barbare n’avait mis en doute l’existence de la Divinité. Nous pouvons remarquer de même aujourd’hui qu’il n’y a dans toute l’Asie qu’un seul peuple lettré, que plus de la moitié de ce peuple est athée, et que c’est la seule nation de l’Asie où l’athéisme soit connu.

« La curiosité naturelle à l’homme, continue-t-on, lui inspire l’envie d’apprendre. » Il devrait donc travailler à la contenir, comme tous ses penchants naturels. « Ses besoins lui en font sentir la nécessité. » À bien des égards les connaissances sont utiles ; cependant les sauvages sont des hommes, et ne sentent point cette nécessité-là. « Ses emplois lui en imposent l’obligation. » Ils lui imposent bien plus souvent celle de renoncer à l’étude pour vaquer à ses devoirs[2]. « Ses progrès lui en font goû-

  1. Var. Hist. Lib. ii, cap. 31.
  2. C’est une mauvaise marque pour une société, qu’il faille tant de science dans ceux qui la conduisent ; si les hommes étaient ce qu’ils doivent être, ils n’auraient guère besoin d’étudier pour apprendre les choses qu’ils ont à faire. Au reste, Cicéron lui-même, qui, dit