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L’auteur va plus loin, et prétend encore que l’étude nous est nécessaire pour admirer les beautés de l’univers, et que le spectacle de la nature, exposé, ce semble, aux yeux de tous pour l’instruction des simples, exige lui-même beaucoup d’instruction dans les observateurs pour en être aperçu. J’avoue que cette proposition me surprend : serait-ce qu’il est ordonné à tous les hommes d’être philosophes, ou qu’il n’est ordonné qu’aux seuls philosophes de croire en Dieu ? L’Écriture nous exhorte en mille endroits d’adorer la grandeur et la bonté de Dieu dans les merveilles de ses œuvres : je ne pense pas qu’elle nous ait prescrit nulle part d’étudier la physique, ni que l’auteur de la nature soit moins bien adoré par moi qui ne sais rien, que par celui qui connaît et le cèdre, et l’hysope, et la trompe de la mouche, et celle de l’éléphant : Non enim nos Deus ista scire, sed tantummodò uti voluit.

On croit toujours avoir dit ce que font les sciences, quand on a dit ce qu’elles devraient faire, cela me parait pourtant fort différent. L’étude de l’univers devrait élever l’homme à son créateur ; je le sais ; mais elle n’élève que la vanité humaine. Le philosophe, qui se flatte de pénétrer dans les secrets de Dieu, ose associer sa prétendue sagesse à la sagesse éternelle : il approuve, il blâme, il corrige, il prescrit des lois à la nature, et des bornes à la Divinité ; et tandis qu’occupé de ses vains systèmes il se donne mille peines pour arranger la machine du monde, le laboureur, qui voit la