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or c’est ce qu’on peut à peine espérer de quelques âmes privilégiées, mais qu’on ne doit point attendre de tout un peuple. On ne saurait donc conclure de mes principes qu’un homme ne puisse être savant et vertueux tout à la fois.

2° On pourrait encore moins me presser personnellement par cette prétendue contradiction, quand même elle existerait réellement. J’adore la vertu : mon cœur me rend ce témoignage ; il me dit trop aussi combien il y a loin de cet amour à la pratique qui fait l’homme vertueux. D’ailleurs, je suis fort éloigné d’avoir de la science, et plus encore d’en affecter. J’aurais cru que l’aveu ingénu que j’ai fait au commencement de mon Discours, me garantirait de cette imputation : je craignais bien plutôt qu’on ne m’accusât de juger des choses que je ne connaissais pas. On sent assez combien il m’était impossible d’éviter à la fois ces deux reproches. Que sais-je même si l’on n’en viendrait point à les réunir, si je ne me hâtais de passer condamnation sur celui-ci, quelque peu mérité qu’il puisse être ?

3° Je pourrais rapporter à ce sujet ce que disaient les pères de l’Église des sciences mondaines qu’ils méprisaient, et dont pourtant ils se servaient pour combattre les philosophes païens : je pourrais citer la comparaison qu’ils en faisaient avec les vases des Égyptiens volés par les Israélites. Mais je me contenterai, pour dernière réponse, de proposer cette question : Si quelqu’un venait pour me tuer, et que j’eusse le bonheur de me saisir de son arme, me