Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La science est très-bonne en soi : cela est évident ; et il faudrait avoir renoncé au bon sens pour dire le contraire. L’auteur de toutes choses est la source de la vérité ; tout connaître est un de ses divins attributs : c’est donc participer en quelque sorte à la suprême intelligence que d’acquérir des connaissances et d’étendre ses lumières. En ce sens, j’ai loué le savoir, et c’est en ce sens que je loue mon adversaire. Il s’étend encore sur les divers genres d’utilité que l’homme peut retirer des arts et des sciences ; et j’en aurais volontiers dit autant si cela eût été de mon sujet. Ainsi nous sommes parfaitement d’accord en ce point.

Mais comment se peut-il faire que les sciences, dont la source est si pure et la fin si louable, engendrent tant d’impiétés, tant d’hérésies, tant d’erreurs, tant de systèmes absurdes, tant de contrariétés, tant d’inepties, tant de satires amères, tant de misérables romans, tant de vers licencieux, tant de livres obscènes ; et, dans ceux qui les cultivent, tant d’orgueil, tant d’avarice, tant de malignité, tant de cabales, tant de jalousies, tant de mensonges, tant de noirceurs, tant de calomnies, tant de lâches et honteuses flatteries ? Je disais que c’est parce que la science, toute belle, toute sublime qu’elle est, n’est point faite pour l’homme ; qu’il a l’esprit trop borné pour y faire de grands progrès, et trop de passion dans le cœur pour n’en pas faire un mauvais usage ; que c’est assez pour lui de bien étudier ses devoirs, et que chacun a reçu toutes les lumières dont il a besoin pour cette étude. Mon