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Que l’on compare à ces temps d’ignorance et de barbarie ces siècles heureux où les sciences ont répandu partout l’esprit d’ordre et de justice. On voit de nos jours des guerres moins fréquentes, mais plus justes ; des actions moins étonnantes, mais plus héroïques ; des victoires moins sanglantes, mais plus glorieuses ; des conquêtes moins rapides, mais plus assurées ; des guerriers moins violents, mais plus redoutés, sachant vaincre avec modération, traitant les vaincus avec humanité : l’honneur est leur guide, la gloire leur récompense. Cependant, dit l’auteur, on remarque dans les combats une grande différence entre les nations pauvres qu’on appelle barbares, et les peuples riches qu’on appelle policés. Il parait bien que le citoyen de Genève ne s’est jamais trouvé à portée de remarquer de près ce qui se passe ordinairement dans les combats. Est-il surprenant que des barbares se ménagent moins et s’exposent davantage ? Qu’ils vainquent ou qu’ils soient vaincus, ils ne peuvent que gagner s’ils survivent à leurs défaites. Mais ce que l’espérance d’un vil intérêt ou plutôt ce qu’un désespoir brutal inspire à ces hommes sanguinaires, les sentiments, le devoir, l’excitent dans ces âmes généreuses qui se dévouent à la patrie ; avec cette différence que n’a pu observer l’auteur, que la valeur de ceux-ci, plus froide, plus réfléchie, plus modérée, plus savamment conduite, est par là même toujours plus sûre du succès.

Mais enfin Socrate, le fameux Socrate, s’est lui-même récrié contre les sciences de son temps. Faut--