Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SECONDE PARTIE.

Ici l’auteur anonyme donne lui-même l’exemple de l’abus qu’on peut faire de l’érudition et de l’ascendant qu’ont sur l’esprit les préjugés. Il va fouiller dans les siècles les plus reculés. Il remonte à la plus haute antiquité. Il s’épuise en raisonnements et en recherches pour trouver des suffrages qui accréditent son opinion. Il cite des témoins qui attribuent à la culture des sciences et des arts la décadence des royaumes et des empires. Il impute aux savants et aux artistes le luxe et la mollesse, sources ordinaires des plus étranges révolutions.

Mais l’Égypte, la Grèce, la république de Rome, l’empire de la Chine, qu’il ose appeler en témoignage en faveur de l’ignorance, au mépris des sciences et au préjudice des mœurs, auraient dû rappeler à son souvenir ces législateurs fameux qui ont éclairé par l’étendue de leurs lumières, et réglé par la sagesse de leurs lois ces grands états dont ils avaient posé les premiers fondements ; ces orateurs célèbres qui les ont soutenus sur le penchant de leur ruine, par la force victorieuse de leur sublime éloquence ; ces philosophes, ces sages, qui, par leurs doctes écrits et leurs vertus morales, ont illustré leur patrie et immortalisé leur nom.

Quelle foule d’exemples éclatants ne pourrais-je pas opposer au petit nombre d’auteurs hardis qu’il a cités ! Je n’aurais qu’à ouvrir les annales du monde. Par combien de témoignages incontestables, d’augustes monuments, d’ouvrages immortels, l’histoire