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toire, de la politique, de la religion, comment ceux qui sont préposés au gouvernement des états, sauraient-ils y maintenir l’ordre, la subordination, la sûreté, l’abondance ?

La curiosité, naturelle à l’homme, lui inspire l’envie d’apprendre ; ses besoins lui en font sentir la nécessité, ses emplois lui en imposent l’obligation ; ses progrès lui en font goûter le plaisir. Ses premières découvertes augmentent l’avidité qu’il a de savoir ; plus il connaît, plus il sent qu’il a de connaissances à acquérir, et plus il a de connaissances acquises, plus il a de facilité à bien faire.

Le citoyen de Genève ne l’aurait-il pas éprouvé ? Gardons-nous d’en croire sa modestie. Il prétend qu’on serait plus vertueux si l’on était moins savant. Ce sont les sciences, dit-il, qui nous font connaître le mal. Que de crimes, s’écrie-t-il, nous ignorerions sans elles ! Mais l’ignorance du vice est-elle donc une vertu ? Est-ce faire le bien que d’ignorer le mal ? Et si, s’en abstenir parce qu’on ne le connaît pas, c’est là ce qu’il appelle être vertueux, qu’il convienne du moins que ce n’est pas l’être avec beaucoup de mérite : c’est s’exposer à ne pas l’être long-temps : c’est ne l’être que jusqu’à ce que quelque objet vienne solliciter les penchants naturels, ou que quelque occasion vienne réveiller des passions endormies. Il me semble voir un faux brave, qui ne fait montre de sa valeur que quand il ne se présente point d’ennemis : un ennemi vient-il à paraître, faut-il se mettre en défense, le courage manque, et la vertu s’évanouit. Si les sciences nous