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MARCELINE.

raissait, futile, et comme escamoté. Oui, tout s’était passé comme à l’ordinaire.

— Bon ! mais cela ne durera pas toujours, se disait Laure. On verrait bien un jour ou l’autre…

Chaque fois que Laure n’en pouvait plus elle se répétait la même chose ; elle invoquait ce « jour ou l’autre » où l’on verrait bien… — comme on raconte une histoire à un petit enfant pour lui faire oublier un bobo. Cependant les années passaient… Et maintenant qu’elle était enceinte…

Maintenant, il n’y avait plus rien à tenter, c’était évident. D’ailleurs, elle n’avait jamais vu clairement de quelle manière sortir de cette impasse. Parler sérieusement à Octave, se plaindre et menacer, poser des conditions — elle l’avait essayé plus d’une fois mais toutes les tentatives échouaient contre les roueries de ce bénévole égoïste, qui usait des larmes comme une femme ou se réfugiait dans d’intolérables bouderies. Le trouvait-elle bien disposé ? Il la cajolait, la berçait de paroles câlines — et l’explication à peine commencée sombrait dans les effusions conjugales. La séparation ? le divorce ? Laure se figurait quelquefois qu’elle était en face du juge d’instruction — « Voyons, Madame, qu’avez-vous à reprocher à votre mari ? Est-il infidèle ? — Non. — Brutal ? — Non. — Vous a-t-il refusé l’argent nécessaire à votre entretien ? — Non. Monsieur le juge, je vais vous expliquer. Il y a ma belle-mère… » — Ah ! — et le juge sourit. La belle-mère ! Que lui fait-elle donc cette terrible belle-mère ? Et Laure se tait, découragée, parce que sa belle-mère ne lui a rien fait. Elle a loué une maison à côté de celle de son fils — C’est son droit ! Et elle vient le voir tous les jours. Rien de plus naturel ! Mais est-elle méchante pour sa bru ? Méchante, non… pas positivement. C’est plus compliqué, plus subtil ; il faut essayer de com-