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Les Exploits d’Iberville

sans regret et avec son immense bonté maternelle à la prière d’un fils qui vous adore.

— Ah ! mon Dieu ! c’est d’Yvonne que tu me parles ? s’écria madame Glen tremblante. Attends ! attends ! mon fils, le coup est rude, et je ne m’y attendais pas !

— Oh ! ne dites pas cela, reprit Lewis avec feu, si le coup est trop rude, je ne veux pas que vous le receviez ! je renoncerai à tout, je ne me marierai jamais !

— Ne pas te marier !… Eh bien ! cela serait pire encore ! Voyons ! voyons ! laisse moi donc me reconnaître. C’est peut-être plus facile à digérer que cela en a l’air ! Ce n’est pas tant la naissance… Son père descend d’un gentillâtre, il me l’a dit ; c’est un fermier, un coureur des bois, mais je sais que les gentilshommes du Canada ne dédaignent pas les travaux des champs. C’est mince… mais enfin, si c’était tout ! Il y a cette misère qui est venue tomber sur elle ; elle a eu le courage de travailler pour vivre, d’accepter comme son père une espèce de domesticité…

— Grand Dieu ! s’écria le jeune homme, lui feriez-vous une tache de ce qui est le sublime de sa vie ?

— Non, non, pas moi ! reprit vivement sa mère, au contraire ! mais le monde est si…

— Si injuste et si aveugle !

— C’est vrai et j’ai tort de m’en préoccuper. Allons,