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Les Exploits d’Iberville

public, afin de vous soutenir un peu dans ce chagrin si naturel, et de vous rappeler qu’il vous reste des amis sincères.

— Vous êtes venu ici pour moi ? répondit Yvonne en essuyant ses larmes. Ah ! je suis honteuse de ce moment de faiblesse. C’est de l’ingratitude envers vous qui nous avez comblés, et que je devrais bénir dans la joie au lieu de sentir le petit déchirement d’une séparation qui ne peut durer longtemps. Non, non, je n’ai pas de chagrin ; je suis au contraire bien heureuse, et c’est grâce à vous.

— Pourquoi donc pleurez-vous encore ? lui dit le jeune officier en la conduisant à la voiture qu’il avait amenée pour elle. Voyons, c’est un peu nerveux, n’est-ce pas ? mais cela m’inquiète. Retournons au bureau de la diligence comme si nous cherchions quelqu’un. Je ne veux pas vous quitter dans les larmes. C’est la première fois que je vous vois pleurer depuis que vous êtes ici, et cela me fait beaucoup de mal… Tenez, nous sommes à deux pas du parc ; à huit heures du matin, il n’y a pas de risques que nous y rencontrions personne de connaissance. D’ailleurs avec ce manteau et ce voile, on ne peut savoir qui vous êtes.

Il y avait tant d’amicale sollicitude dans l’offre du jeune homme qu’Yvonne ne songea point à refuser. Qui sait ? pensait-elle, s’il ne désire point me dire là un adieu fraternel au moment d’entrer dans une nouvelle existence. Au fait, cela est permis, cela nous