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Les Exploits d’Iberville

— Pour lors, commença Kernouët, attention, vous autres ! je vais présenter la santé d’un loup de mer qui n’a pas son pareil dans toute la mer du sud. Je bois à la santé du brave des braves : le commandant d’Iberville, et chien soit celui qui ne me rendra pas raison !

Ce fut alors des clameurs, un délire, des trépignements à démolir la salle.

— Hé ! vieux, relève le point, interrompit un des matelots, et raconte comment vous avez pris un vaisseau anglais tous seuls, vous deux Cacatoès.

— Non, mes caïmans ! répondit Kernouët, l’éloquence n’a jamais navigué dans mon habitacle. Faites-vous larguer la chose en grand par Cacatoès lui-même qui est un beau parleur.

— En haut ! en haut ! Cacatoès ! hurla la bande en hissant le matelot ainsi interpellé, tandis que le chanteur sautait lestement sur le plancher.

Cacatoès, second maître, un vieux de la cale, suivant l’expression consacrée, naviguait depuis une quarantaine d’années. Jaune comme une feuille de vieux parchemin, d’une maigreur proverbiale, il aurait pu justifier cette expression du matelot : sec comme nordet.

Estimé de ses chefs, aimé de ses inférieurs, Cacatoès était une espèce d’oracle qu’écoutait avec délice l’équipage groupé sur le gaillard d’avant. Or, le vieux marin, en raison même de ses nombreuses