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Les Exploits d’Iberville

et le verre à la main, encore une chanson ; le quart de midi va piquer, l’estomac bat le rappel, dépêche avant de s’affaler dans la soute aux vivres.

Celui que l’on interpellait ainsi portait avec aisance l’uniforme de matelot de la marine royale. Jamais type plus complet, plus saisissant du véritable homme de mer n’avait dû s’offrir aux regards.

Sa tête surtout eût paru superbe à un peintre ami du genre énergique et résolu. Son front était large et carré, son nez petit et extrêmement retroussé, ses épais sourcils abritaient deux petits yeux vifs et pétillants ; sa bouche grande, avec lèvres épaisses et vermeilles, était garnie de dents qu’eussent enviées bien des duchesses ; son menton, carré comme le front et fortement accusé, complétait l’ensemble de cette physionomie à laquelle une teinte violemment basanée de la peau donnait le caractère le plus original.

La bonté, la naïveté, la franchise se lisaient sur ce visage mobile, comme si les noms de ces belles et précieuses qualités y eussent été tracés en gros caractères.

La tête renversée en arrière, la poitrine au vent, les coudes en dehors, une main enfoncée dans la poche de sa culotte flottante, tandis que l’autre soutenait son verre à la hauteur de sa bouche, les jambes écartées, les pieds fortement posés sur la table, le corps bien assis sur ses hanches, le matelot entonna