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Les Exploits d’Iberville

Le gigantesque breton, tel qu’un faucheur pressé de finir sa journée ou un bûcheron dont la cognée déblaye un jeune taillis, semblait, en frappant ses ennemis d’un bras irrésistible, tracer un cercle de fer infranchissable autour de lui, quand il entendit un cri désespéré venant de la maison, le cri d’Yvonne enlevée par Tête d’Aigle et deux de ses guerriers.

Faisant volte-face pour courir au secours de sa fille adorée, il se découvrit et c’est alors qu’il reçut sur la nuque un coup de bâton. Il tomba comme le chêne frappé par la foudre, et un iroquois se préparait à lui enlever la chevelure, quand Tête d’Aigle, arrivant sur le théâtre du combat, donna l’ordre de ne lui faire aucun mal et de le garder prisonnier auprès de sa fille.

La rue offrait alors un aspect étrange et saisissant.

Dix ou douze maisons embrasées l’éclairaient mieux que n’eût pu le faire l’illumination la plus splendide.

Les flammes, dardant leurs langues rougeâtres vers les nuages et s’entourant par moment d’un voile épais de fumée que balayait par rafale la brise du matin, couraient rapides vers les habitations voisines.

On eût dit qu’elles avaient hâte d’accomplir leur œuvre fatale et de prendre leur part active à la destruction entière du village.

De minute en minute, des gerbes de feu, s’élançant horizontalement, venaient lécher les murailles et