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Les Exploits d’Iberville

— Je vais m’en informer ! répondit le vieillard en saluant.

Urbain, resté seul, se mit à inventorier l’appartement avec une joie d’enfant, un plaisir qu’il ne chercha pas à dissimuler. Tout ce luxe dont le marquis s’était plu à l’entourer et dont il avait été privé depuis longtemps, il le retrouvait comme on retrouve un vieil ami.

Un instant après, l’intendant vint le prévenir que le vicomte l’attendait.

— Le malade est d’une faiblesse extrême, dit-il, par pitié ! quelque soit votre ressentiment, ménagez lui les émotions, si vous ne voulez pas le voir mourir sous vos yeux.

— Soyez tranquille ! répondit le jeune homme.

Quand il arriva dans la chambre du vicomte, celui-ci était à demi-couché sur une chaise longue, soutenu pat le curé et le notaire.

À l’aspect de cette tête livide dont les chairs entraient déjà en putréfaction, en face de ce corps étique rongé par la souffrance, la haine se fondit dans le cœur d’Urbain et le pardon y entra.

C’est avec un éclair de joie dans le regard que le vicomte fit signe au jeune homme d’approcher. Celui-ci obéit. Alors le moribond regarda longtemps, bien longtemps ce mâle et beau visage sur lequel l’habitude du danger et les soucis avaient imprimé un caractère de gravité.