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Les Exploits d’Iberville

Mais les vrais braves sont incapables d’une cruauté inutile. Nul ne songea à lancer une insulte à ceux qui, après s’être battus, avaient dû céder à l’entraînante valeur des marins d’Iberville.

Puis vinrent ceux-ci, Cacatoès en tête.

Ce fut alors dans cette foule composée d’éléments divers une exubérance de vie, un paroxysme de joie impossible à rendre. Ivresse de mères retrouvant sains et saufs les fils pour lesquels elles avaient prié ; bruyant bonheur des sœurs et des frères s’accrochant au bras du marin et lui faisant promettre de conter ses aventures à la veillée ; tendresse timide des fiancées en revoyant celui qui devait les conduire à l’autel ; félicité fière des jeunes femmes poussant les petits dans les bras du père, et lui persuadant qu’il devait prendre le chemin de la nichée au lieu de suivre les amis au cabaret.

Oh ! la bonne et franche joie populaire !

La foule battait des mains en voyant ces vainqueurs bons enfants ; l’entrain de leur allure leur créait des amis nouveaux.

Toute la nuit, dans la bonne ville de St. Malo, on entendit heurter des gobelets, remplir et vider des brocs ; toute la nuit les vrais caïmans, les bons vieux de la cale chantèrent, ou plutôt hurlèrent à plein gosier des chansons de circonstance. On en parla longtemps de l’arrivée du Profond et de la gaieté de ses marins.