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Les Exploits d’Iberville

— Puis, ajouta-t-elle après quelques instants de silence en baissant les yeux, n’était-ce pas la seule chance qui s’offrait de vous retrouver ?…

— Chère Yvonne ! répliqua Urbain attendri, comment vous rendre assez heureuse pour payer ce mot-là ? Mais continuez votre récit.

— Le lendemain de notre départ reprit la jeune fille, nous avions complètement perdu de vue la terre de New-York.

« Pendant quinze jours, nous naviguâmes ainsi, tantôt longeant les côtes quand nous les supposions inhabitées, tantôt au large, de crainte d’attirer l’attention sur nous, quand nous étions dans le voisinage des régions habitées.

« Nous commencions cependant à ressentir un vague sentiment d’inquiétude. D’abord nos vivres se consommaient avec une rapidité alarmante, et c’est à peine si, en diminuant la ration de moitié, il nous en restait pour une quinzaine encore. Nous avions bien une boussole, mais l’absence des cartes nécessaires nous empêchait de déterminer d’une manière précise l’endroit où nous nous trouvions.

« D’après les calculs de M. Villedieu et d’après aussi la distance parcourue, nous aurions dû avoir atteint déjà un port ami. Il n’est pas besoin de vous assurer néanmoins que ces appréhensions m’étaient cachées autant que possible.

« Un soir en doublant une pointe, nous aperçûmes la silhouette d’un gros village dans le lointain. Je