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Les Exploits d’Iberville

temps. Comme toi, Yvonne, comme toi, Pierre, je suis las de cette vie dans un pays dont je hais les habitants. Comme vous, il me faut en sortir, où je ne réponds plus de moi. Si je suis bien traité par mon patron, croyez-vous que je n’aie pas souvent à subir les insultes, les avanies d’une valetaille que je méprise et que j’aurais châtiée déjà si la crainte de te laisser seule, Yvonne, ne m’eût arrêté.

— Mon père ! dit la jeune fille en entourant de ses bras le cou du vieillard.

— Mes enfants, reprit-il en se dégageant de cette douce étreinte, il faut en finir avec cette vie-là, il faut en finir à tout prix. Si j’ai hésité si longtemps à prendre les mesures nécessaires, c’est la pensée seule de faire partager à Yvonne de nombreux dangers qui m’a retenu.

— Oh ! la mauvaise pensée ! Me croyez-vous lâche ? mon père, dit la jeune fille.

— Non, mon enfant, non, tu as fait tes preuves sous ce rapport et je n’ai jamais douté de ton courage. Du reste, mieux vaut la mort…

— Que de pourrir ici ! fit Pierre Dumas.

— Voici donc le projet que je veux vous soumettre, continua le vieillard : nous procurer une embarcation assez solide pour tenir la mer, et par un bon vent, une nuit noire, nous embarquer et quitter notre prison pour toujours. Pierre connaît les côtes et je ne suis pas un novice en fait de navigation. En longeant ces côtes, nous parviendrons