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Les Exploits d’Iberville

marquis, la figure très-rouge, portait la main à son front et chancelait sur sa selle. D’un bond j’étais près de lui.

— Seriez-vous indisposé, mon père ? lui dis-je avec émotion.

— Tu es fou, me répondit-il avec un triste sourire.

— Non, mon père, vous souffrez…

— Pas le moins du monde.

— Si, mon père, vous avez l’air extrêmement fatigué et le sang à la tête.

— Merci de ton empressement, mon fils. Je trouve là une nouvelle preuve de ta tendresse. Ce n’est rien. Il est vrai que ce matin, à mon lever, j’avais la tête lourde et qu’au moment de partir j’ai eu même une espèce d’éblouissement ; mais tout cela est maintenant passé.

Et avant même que j’eus le temps de prévenir sa pensée, le marquis avait piqué des deux pieds son cheval et disparaissait au triple galop dans l’épaisseur de la forêt. Je sautai sur le mien et je le suivis, mais je m’aperçus que, mieux monté, il me distançait, et bientôt même je n’entendis plus le bruit de sa course. L’inquiétude me prit réellement et un pressentiment me saisit au cœur.

« Ce fut d’abord un faible murmure que j’entendis dans le sentier que je suivais, puis le bruit d’une course affolée vint jusqu’à moi, et tout-à-coup, au détour d’un sentier, le cheval du marquis, sans cava-