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Les Exploits d’Iberville

Urbain Duperret avait bien changé depuis l’instant où nous l’avons quitté faisant ses adieux à Jean-Marie Kernouët et à sa fille, en partant de Montréal pour rejoindre son vaisseau à Québec. Un cercle de bistre entourait ses yeux et quelques rares cheveux blancs argentaient sa chevelure noire. Un air désespéré, de découragement était répandu sur toute sa physionomie.

— Faisons comme ces braves enfants, dit d’Iberville en frappant sur la table pour appeler l’hôtesse, lestons-nous bien l’estomac avant de quitter ce bon Québec que nous ne reverrons peut-être jamais ; car la campagne sera rude, ne nous le dissimulons pas.

— Urbain ! continua le marin d’une voix douce, en voyant que le jeune homme conservait toujours la même attitude et ne répondait pas, Urbain ! ne veux-tu donc pas me comprendre enfin ? Tu m’as sauvé la vie au péril de la tienne ; tu as été blessé pour moi en tuant les Anglais qui me menaçaient…

— J’ai contracté envers toi une dette de reconnaissance, pourquoi vouloir m’empêcher d’acquitter cette dette ?

— J’ai fait ce que tout autre eût fait à ma place, répondit Urbain avec un sourire triste ; ce que vous eussiez fait pour tout autre, mon capitaine ; car vous êtes brave et généreux Ne parlons plus de cela !

— Le hasard m’a rendu dépositaire d’une partie de tes secrets, alors que blessé en me défendant et cou-