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mon ami. Ma funeste imagination, qui porte toujours le mal au pis, s’effaroucha. Je le crus là pour le reste de sa vie. La tête faillit m’en tourner. J’écrivis à madame de Pompadour pour la conjurer de le faire relâcher, ou d’obtenir qu’on m’enfermât avec lui. Je n’eus aucune réponse à ma lettre : elle était trop peu raisonnable pour être efficace ; et je ne me flatte pas qu’elle ait contribué aux adoucissements qu’on mit quelque temps après à la captivité du pauvre Diderot. Mais si elle eût duré quelque temps encore avec la même rigueur, je crois que je serais mort de désespoir au pied de ce malheureux donjon. Au reste, si ma lettre a produit peu d’effet, je ne m’en suis pas non plus beaucoup fait valoir ; car je n’en parlai qu’à très-peu de gens, et jamais à Diderot lui-même.