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amoureux de tous ces laiderons. J’osais à peine retourner à leurs vêpres. J’eus de quoi me rassurer. Je continuai de trouver leurs chants délicieux et leurs voix fardaient si bien leurs visages, que tant qu’elles chantaient je m’obstinais, en dépit de mes yeux, à les trouver belles.

La musique en Italie coûte si peu de chose, que ce n’est pas la peine de s’en faire faute quand on a du goût pour elle. Je louai un clavecin, et pour un petit écu j’avais chez moi quatre ou cinq symphonistes, avec lesquels je m’exerçais une fois la semaine à exécuter les morceaux qui m’avaient fait le plus de plaisir à l’Opéra. J’y fis essayer aussi quelques symphonies de mes Muses galantes. Soit qu’elles plussent ou qu’on me voulût cajoler, le maître des ballets de Saint-Jean-Chrysostome m’en fit demander deux que j’eus le plaisir d’entendre exécuter par cet admirable orchestre, et qui furent dansées par une petite Bettina, jolie et surtout aimable fille, entretenue par un Espagnol de nos amis appelé Fagoaga, et chez laquelle nous allions passer la soirée assez souvent.

Mais, à propos de filles, ce n’est pas dans une ville comme Venise qu’on s’en abstient : n’avez-vous rien, pourrait-on me dire, à confesser sur cet article ? Oui, j’ai quelque chose à dire en effet, et je vais procéder à cette confession avec la même naïveté que j’ai mise à toutes les autres.

J’ai toujours eu du dégoût pour les filles publiques, et je n’avais pas à Venise autre chose à ma portée, l’entrée de la plupart des maisons du pays m’étant interdite à cause de ma place. Les filles de M. le Blond étaient très-aimables, mais d’un difficile abord ; et je considérais trop le père et la mère pour penser même à les convoiter.

J’aurais eu plus de goût pour une jeune personne appelée mademoiselle de Catanéo, fille de l’agent du roi de Prusse ; mais Carrio était amoureux d’elle, il a même été question de mariage. Il était à son aise, et je n’avais rien ; il avait cent louis d’appointements, je n’avais que cent pistoles ; et outre que je ne voulais pas aller sur les brisées d’un ami, je savais que partout, et surtout à Venise, avec une bourse aussi mal garnie, on ne doit pas se mêler de faire le galant. Je n’avais pas perdu la funeste habitude de donner le change à mes besoins ;