payement de la somme entière, tandis que si, malheureusement pour lui, ce billet se fût retrouvé, il en aurait difficilement tiré les dix écus promis par Son Excellence Zanetto Nani.
Le talent que je me crus sentir pour mon emploi me le fit remplir avec goût ; et hors la société de mon ami Carrio, celle du vertueux Altuna, dont j’aurai bientôt à parler, hors les récréations bien innocentes de la place Saint-Marc, du spectacle et de quelques visites que nous faisions presque toujours ensemble, je fis mes seuls plaisirs de mes devoirs. Quoique mon travail ne fût pas fort pénible, surtout avec l’aide de l’abbé de Binis, comme la correspondance était très-étendue et qu’on était en temps de guerre, je ne laissais pas d’être occupé raisonnablement. Je travaillais tous les jours une bonne partie de la matinée, et les jours de courrier quelquefois jusqu’à minuit. Je consacrais le reste du temps à l’étude du métier que je commençais, et dans lequel je comptais bien, par le succès de mon début, être employé plus avantageusement dans la suite. En effet, il n’y avait qu’une voix sur mon compte, à commencer par celle de l’ambassadeur, qui se loua hautement de mon service, qui ne s’en est jamais plaint, et dont toute la fureur ne vint dans la suite que de ce que, m’étant plaint inutilement moi-même, je voulus enfin avoir mon congé. Les ambassadeurs et ministres du roi, avec qui nous étions en correspondance, lui faisaient, sur le mérite de son secrétaire, des compliments qui devaient le flatter, et qui, dans sa mauvaise tête, produisaient un effet tout contraire. Il en reçut un surtout dans une circonstance essentielle, qu’il ne m’a jamais pardonné. Ceci vaut la peine d’être expliqué.
Il pouvait si peu se gêner, que le samedi même, jour de presque tous les courriers, il ne pouvait attendre pour sortir que le travail fût achevé ; et me talonnant sans cesse pour expédier les dépêches du roi et des ministres, il les signait en hâte, et puis courait je ne sais où, laissant la plupart des autres lettres sans signature : ce qui me forçait, quand ce n’était que des nouvelles, de les tourner en bulletin ; mais lorsqu’il s’agissait d’affaires qui regardaient le service du roi, il fallait bien que quelqu’un signât, et je signais. J’en usai ainsi pour un avis important que nous venions de recevoir de M. Vincent, chargé des affaires du roi à Vienne. C’était dans le temps que le