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sur le compte d’un malentendu. Je reviens à l’apostille. Vous pouvez vous rappeler, monsieur, que nous étions convenus que les gages du jardinier de l’Ermitage passeraient par vos mains, pour lui mieux faire sentir qu’il dépendait de vous, et pour vous éviter des scènes aussi ridicules et indécentes qu’en avait fait son prédécesseur. La preuve en est que les premiers quartiers de ses gages vous ont été remis, et que j’étais convenue avec vous, peu de jours avant mon départ, de vous faire rembourser vos avances. Je sais que vous en fîtes d’abord difficulté : mais ces avances, je vous avais prié de les faire ; il était simple de m’acquitter, et nous en convînmes. Cahouet m’a marqué que vous n’avez point voulu recevoir cet argent. Il y a assurément du quiproquo là-dedans. Je donne ordre qu’on vous le reporte, et je ne vois pas pourquoi vous voudriez payer mon jardinier, malgré nos conventions, et au delà même du terme que vous avez habité l’Ermitage. Je compte donc, monsieur, que, vous rappelant tout ce que j’ai l’honneur de vous dire, vous ne refuserez pas d’être remboursé de l’avance que vous avez bien voulu faire pour moi. »

Après tout ce qui s’était passé, ne pouvant plus prendre de confiance en madame d’Épinay, je ne voulus point renouer avec elle ; je ne répondis point à cette lettre, et notre correspondance finit là. Voyant mon parti pris, elle prit le sien ; et entrant alors dans toutes les vues de Grimm et de la coterie holbachique, elle unit ses efforts aux leurs pour me couler à fond. Tandis qu’ils travaillaient à Paris, elle travaillait à Genève. Grimm, qui dans la suite alla l’y joindre, acheva ce qu’elle avait commencé. Tronchin, qu’ils n’eurent pas de peine à gagner, les seconda puissamment, et devint le plus furieux de mes persécuteurs, sans avoir jamais eu de moi, non plus que Grimm, le moindre sujet de plainte. Tous trois d’accord semèrent sourdement dans Genève le germe qu’on y vit éclore quatre ans après.

Ils eurent plus de peine à Paris où j’étais plus connu, et où les cœurs, moins disposés à la haine, n’en reçurent pas si aisément les impressions. Pour porter leurs coups avec plus d’adresse, ils commencèrent par débiter que c’était moi qui les avais quittés (Voyez la lettre de Deleyre, liasse B, n° 30). De là, feignant d’être toujours mes amis, ils semaient adroitement leurs accusations malignes,