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arbres. Le long de ce vallon, à mi-côte, sont quelques maisons éparses, fort agréables pour quiconque aime un asile un peu sauvage et retiré. Après avoir essayé deux ou trois fois de ces maisons, nous choisîmes enfin la plus jolie, appartenant à un gentilhomme qui était au service, appelé M. Noiret. La maison était très-logeable. Au-devant était un jardin en terrasse, une vigne au-dessus, un verger au-dessous ; vis-à-vis un petit bois de châtaigniers, une fontaine à portée ; plus haut, dans la montagne, des prés pour l’entretien du bétail, enfin tout ce qu’il fallait pour le petit ménage champêtre que nous y voulions établir. Autant que je puis me rappeler les temps et les dates, nous en prîmes possession vers la fin de l’été de 1736. J’étais transporté le premier jour que nous y couchâmes. Ô maman ! dis-je à cette chère amie en l’embrassant et l’inondant de larmes d’attendrissement et de joie, ce séjour est celui du bonheur et de l’innocence. Si nous ne les trouvons pas ici l’un avec l’autre, il ne les faut chercher nulle part.