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dans sa conduite, froid dans ses manières, laconique et sentencieux dans ses propos, il était, dans ses passions, d’une impétuosité qu’il ne laissait jamais paraître, mais qui le dévorait en dedans, et qui ne lui a fait faire en sa vie qu’une sottise, mais terrible, c’est de s’être empoisonné. Cette scène tragique se passa peu après mon arrivée : et il la fallait pour m’apprendre l’intimité de ce garçon avec sa maîtresse ; car si elle ne me l’eût dite elle-même, jamais je ne m’en serais douté. Assurément si l’attachement, le zèle et la fidélité peuvent mériter une pareille récompense, elle lui était bien due ; et ce qui prouve qu’il en était digne, il n’en abusa jamais. Ils avaient rarement des querelles, et elles finissaient toujours bien. Il en vint pourtant une qui finit mal : sa maîtresse lui dit dans la colère un mot outrageant qu’il ne put digérer. Il ne consulta que son désespoir, et trouvant sous sa main une fiole de laudanum, il l’avala, puis fut se coucher tranquillement, comptant ne se réveiller jamais. Heureusement madame de Warens, inquiète, agitée elle-même, errant dans sa maison, trouva la fiole vide, et devina le reste. En volant à son secours, elle poussa des cris qui m’attirèrent. Elle m’avoua tout, implora mon assistance, et parvint avec beaucoup de peine à lui faire vomir l’opium. Témoin de cette scène, j’admirai ma bêtise de n’avoir jamais eu le moindre soupçon des liaisons qu’elle m’apprenait. Mais Claude Anet était si discret, que de plus clairvoyants que moi auraient pu s’y méprendre. Le raccommodement fut tel que j’en fus vivement touché moi-même ; et depuis ce temps, ajoutant pour lui le respect à l’estime, je devins en quelque façon son élève, et ne m’en trouvai pas plus mal.

Je n’appris pourtant pas sans peine que quelqu’un pouvait vivre avec elle dans une plus grande intimité que moi. Je n’avais pas songé même à désirer pour moi cette place ; mais il m’était dur de la voir remplir par un autre, cela était fort naturel. Cependant, au lieu de prendre en aversion celui qui me l’avait soufflée, je sentis réellement s’étendre à lui l’attachement que j’avais pour elle. Je désirais sur toute chose qu’elle fût heureuse ; et, puisqu’elle avait besoin de lui pour l’être, j’étais content qu’il fût heureux aussi. De son côté, il entrait parfaitement dans les vues de sa maîtresse, et prit en sincère amitié l’ami qu’elle s’était choisi. Sans affecter avec moi l’autorité