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en erreur, à moins que je ne le veuille ; encore, même en le voulant, n’y parviendrais-je pas aisément de cette façon. C’est à lui d’assembler ces éléments, et de déterminer l’être qu’ils composent : le résultat doit être son ouvrage ; et s’il se trompe alors, toute l’erreur sera de son fait. Or il ne suffit pas pour cette fin que mes récits soient fidèles, il faut aussi qu’ils soient exacts. Ce n’est pas à moi de juger de l’importance des faits ; je les dois tous dire, et lui laisser le soin de choisir. C’est à quoi je me suis appliqué jusqu’ici de tout mon courage, et je ne me relâcherai pas dans la suite. Mais les souvenirs de l’âge moyen sont toujours moins vifs que ceux de la première jeunesse. J’ai commencé par tirer de ceux-ci le meilleur parti qu’il m’était possible. Si les autres me reviennent avec la même force, des lecteurs impatients s’ennuieront peut-être, mais moi je ne serai pas mécontent de mon travail. Je n’ai qu’une chose à craindre dans cette entreprise : ce n’est pas de trop dire ou de dire des mensonges, mais c’est de ne pas tout dire et de taire des vérités.