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XL

EST-IL UNE DOULEUR SEMBLABLE À LA SIENNE ?

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Il est neuf du soir. Depuis longtemps déjà la bataille — dernière victoire des Français en Amérique — est terminée.

Pêle-mêle, dans un suprême embrassement, les ennemis de tantôt dorment du dernier sommeil à la place même où ils combattaient quelques heures auparavant.

À l’entrée du Carouge, une villa a été épargnée par l’ennemi ; c’est celle de madame de la Gorgendière.

Une faible lumière pénètre à travers les volets clos, entrons.

Sur un lit de repos, dans le salon, repose le corps de Louis Gravel, dans son uniforme d’officier au régiment de Béarn. Sa figure est sereine, sa bouche semble sourire, on dirait qu’il va s’éveiller.

À la tête du cadavre, un jeune homme et une jeune fille sanglotent agenouillés : Claude et Blanche pleurent le fiancé de leur malheureuse amie.

Au pied du lit, madame de la Gorgendière